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Maîtrise de la langue française en contexte plurilingue

La maitrise de la langue française en contexte plurilingue à Wallis et Futuna.

Les langues parlées sur le territoire.
Le wallisien (qui a subi l’influence du tongien) et le futunien (proche du samoan) appartiennent au sous-groupe polynésien de la grande famille des langues austronésiennes. Le degré d’intercompréhension entre ces deux langues est élevé. Ce sont des langues à tradition orale mais dont la structuration de l’écrit a commencé au XIXème siècle, avec comme particularité une association lettre-son plus importante (le plus souvent une lettre = un son) que dans la langue française. Chargée de la défense et de la promotion du wallisien et du futunien, une Académie des langues a été créée en 2015 par l’Assemblée territoriale.
Ces langues vernaculaires sont traditionnellement les langues des pouvoirs coutumiers (un roi à Wallis, deux à Futuna). Les derniers recensements ont aussi confirmé que la plupart des habitants les parlaient dans la vie quotidienne. Au sein de la famille, il faut noter que l’enfant ne parle que si l’adulte l’y autorise ou le lui demande ; plus généralement, il y parle peu en français. Cependant, la majorité de la population maîtrise et pratique la langue française (langue de la république et des « Papalagi »2), majoritaire dans les médias et d’usage quotidien dans les échanges, notamment avec l’administration, d’où un bilinguisme de fait dans la société.
Il faut néanmoins préciser qu’un nombre important d’enfants entrent dans le système scolaire en étant non encore francophones. De plus, pour prendre l’exemple de Wallis, si les enseignants du primaire sont wallisianophones, mais bilingues, et enseignent exclusivement en français à partir du cours préparatoire, les enseignants du secondaire sont au contraire quasi exclusivement francophones.

Place que l’école accorde à ces langues sur le territoire.

Le français est la langue d’enseignement. Les langues vernaculaires sont progressivement enseignées à l’Ecole, de manière variable selon les niveaux d’enseignement, mais avec une dynamique globale d’articulation de l’école au baccalauréat.
À l’école maternelle fonctionne un système, expérimenté en 1997 et généralisé en 2000 : « Un maître, une langue » avec un enseignement (articulé sur le CECRL) de la langue et dans la langue locale, tout en structurant l’apprentissage du français.3
À l’école élémentaire, une heure, parfois 1h30, est consacrée à la langue vernaculaire : le travail au cycle 2 donne la priorité à l’expression orale et à l’acquisition du vocabulaire alors qu’il est au cycle 3 étendu à la syntaxe, la grammaire, la production de phrases, notamment à l’écrit (avec l’existence d’un cahier de wallisien ou de futunien). Les langues vernaculaires peuvent aussi être utilisées au quotidien par l’enseignant pour compléter une explication, notamment en cas de difficulté de compréhension, ou par l’élève pour répondre s’il n’arrive pas à le faire en français, le maître ou un autre élève traduisant ensuite en français afin qu’il puisse répéter.
Au collège, le wallisien et le futunien peuvent être enseignés à raison d’une heure par semaine de la classe de sixième à celle de troisième (avec une place progressivement plus importante accordée à l’écrit), essentiellement par des contractuels.
Au lycée, le fait récent le plus marquant concerne la reconnaissance des langues vernaculaires comme options facultatives au baccalauréat, depuis la session 2016, en LV3 dans les séries générales et en LV2 pour les séries technologiques (cf. note de service n° 2012-162 du 18 octobre 2012). Un « livret du professeur » a été réalisé pour les deux langues. La question du baccalauréat professionnel (avec une possibilité et des horaires inscrits dans les emplois du temps des classes) devrait être réglée à la session 2018 où le wallisien et le futunien pourront être présentés (cf. circulaire n° 2017-072 du 12 avril 2017).

Pour coordonner et améliorer l’enseignement des langues vernaculaires, un groupe de travail pédagogique (GTP) a été lancé en 2013-2014. Et tout un travail d’accompagnement est mené à l’école primaire par deux animateurs pédagogiques de la DEC4 spécialisés dans ces questions, tandis que le vice-rectorat a attribué pour l’enseignement secondaire deux demi-décharges d’enseignement à deux enseignants, un pour le wallisien, un pour le futunien, qui ont des connaissances pédagogiques et linguistiques solides, appuyées sur une expertise reconnue. Le vice-rectorat travaille désormais sur la question de la formation des enseignants, notamment pour l’enseignement secondaire, afin de pouvoir s’appuyer sur des enseignants titulaires.

Écarts et proximités avec la langue française.
On regroupe les langues en quelques grandes familles (langues indo-européennes, sémitiques, austronésiennes, etc.5). Il convient donc, lorsque l’on est amené à enseigner ou à travailler dans des territoires d’outre-mer, dont les langues vernaculaires ne font pas partie de la famille linguistique du français, d’avoir conscience de ces différences qui peuvent porter sur des éléments que nous pourrions considérer a priori comme naturels : opposition masculin/féminin, opposition singulier/pluriel, présence de cinq timbres vocaliques (a, e, i, o, u), organisation temporelle des conjugaisons, ordre des mots dans la phrase simple (sujet – verbe – objet, faisant ainsi du français une langue dite SVO).

Certaines langues fonctionnent, non sur la base des catégories ci-dessus, pourtant fondamentales à nos yeux, mais selon d’autres organisations : opposition être animé ou doué de raison / être inanimé ou non doué de raison, attestation d’un nombre appelé duel (pour deux êtres ou deux choses), expression des temps verbaux par l’ajout d’éléments antéposés avant le verbe (principe des langues dites agglutinantes). Certaines langues sont tonales, ce qui signifie que la seule façon de prononcer les sons modifie très sensiblement la signification des mots. Les différences entre les langues de socialisation des élèves (souvent à tradition essentiellement orale et parfois peu normées) et le français peuvent donc être très importantes et susceptibles de déstabiliser l’élève habitué, de manière inconsciente, à un système linguistique très différent.
Ainsi, « futunien et wallisien diffèrent du français dans des domaines majeurs, comme l’expression de la possession, les repères temporels, l’expression du réfléchi et de la réciprocité, l’orientation dans l’espace, la terminologie de parenté, etc. L’ordre des mots dans la phrase, la façon dont sont encodés les différents rôles des participants à une action afin de savoir qui est l’agent et qui est le patient, comment s’exprime une émotion : tout est diffèrent, mais obéit à des règles de grammaire tout aussi complexes que celles du français, même s’il n’existe en futunien et en wallisien ni conjugaison, ni différence de genre, et que seuls quelques verbes se fléchissent en fonction du nombre. »6
Pour ces raisons, les élèves de Wallis et Futuna éprouvent des difficultés dans l’apprentissage et la pratique du français, notamment avec l’usage du genre, avec les nasales (sans équivalent dans les langues vernaculaires) et avec certains sons, comme le [b] et le [d]. À l’inverse, dans ces langues relativement faciles à prononcer, seules trois consonnes n’existent pas en français : la consonne glottale [Q] notée dans la graphie par une apostrophe, la nasale vélaire [N] notée par la lettre « g » », et le « h » fortement aspiré. Il est donc important de tenir compte de ces réalités dans l’enseignement.

Les pratiques pédagogiques et didactiques à favoriser.

L’enseignement face à un public dont la maîtrise du français est moins avérée que celle que l’on peut observer chez des élèves de métropole d’une même classe d’âge, implique le recours à des gestes professionnels adaptés propres à sécuriser l’élève plongé dans un environnement linguistique moins familier.

La langue française est en effet la langue de scolarisation ; son apprentissage se fait dans le contexte très spécifique du milieu scolaire. La culture scolaire, ses règles, son lexique, son fonctionnement, plus ou moins explicites, ne sont pas naturels pour nombre d’élèves et de familles.
Il est donc essentiel pour l’enseignant :
- de ne pas faire comme si ces langues vernaculaires n’existaient pas, ou n’avaient pas leur place à l’école,
- de tenir compte dans son enseignement et sa relation aux élèves, de l’existence de plusieurs cultures et de plusieurs langues, dont certaines sont maternelles,
- d’adapter ses pratiques pédagogiques et didactiques à cette situation.

• Mettre en œuvre un enseignement explicite en présentant les différentes phases d’apprentissages, leur sens, les conditions de réussite des tâches ainsi que les enjeux cognitifs des situations scolaires proposées.

• Veiller à la reformulation des consignes dont la compréhension doit être systématiquement contrôlée.

• Porter une attention soutenue à tout ce qui a trait à la diction (penser à maitriser le débit de la voix), l’articulation, la graphie au tableau.

• Favoriser l’entrée par l’oral, afin de dédramatiser les blocages qui peuvent apparaître à l’occasion du passage à l’écrit, tout en mobilisant de façon alternée les différentes activités langagières (écouter et comprendre un énoncé oral, écouter et comprendre un énoncé écrit, parler en continu, parler en interaction, écrire).

• Multiplier les situations d’expression orale des élèves qui favorisent l’entrée dans le langage par des actes de parole (solliciter comme réponse une phrase complète et non pas un simple mot, poser des questions ouvertes afin d’encourager l’expression des élèves, etc.).

• Développer une pratique simple de comparaison des langues (mettre en regard, analyser et commenter les formulations employées pour exprimer une même idée dans les autres langues parlées par les élèves et dont le patrimoine linguistique doit être reconnu et valorisé : marque ou existence du genre, différenciation du singulier et du pluriel, marque du temps et place du verbe, différences phonologiques, différences syntaxiques…).

• Élaborer des séquences d’enseignement qui partent de l’environnement connu des élèves pour aller vers un élargissement progressif des contenus culturels, lexicaux et grammaticaux.

• Privilégier un apprentissage spiralaire des notions (observer et comprendre, mémoriser et réinvestir) par le biais d’un retour régulier sur les mêmes contenus en veillant à les exploiter et les enrichir de différentes manières : production d’élèves, situations privilégiant leur mise en activité pour associer le dire et faire, pédagogie de projet.

• Instaurer un environnement et un climat propices aux apprentissages avec une gestion bienveillante et formatrice de l’erreur par le biais de divers scénarii (dialogue avec l’élève, autocorrection, correction par les autres élèves) et des rétroactions positives et encourageantes.

• Gérer avec souplesse l’hétérogénéité de la classe (tenir compte des besoins de chaque élève, ne pas confier à chaque élève la même tâche au même moment).

• Organiser la classe et les situations de travail qui favorisent les interactions entre élèves en veillant à mettre ensemble ceux qui ont un niveau linguistique différent.

Les ressources spécifiques au territoire

Ressources institutionnelles

• Les nouveaux programmes de l’école primaire ont été traduits dans les deux langues.
• Il y a des « programmes de l’enseignement de la langue et de la culture futuniennes de l’école maternelle au baccalauréat », documents datant de 2013. Et il existe des « progressions « langues et cultures wallisiennes » (LCW) – Cycle 3 » : priorité aux « activités orales de compréhension de d’expression » incluant un travail sur l’acquisition du vocabulaire, de la grammaire, etc. Il est aussi indiqué que « Les activités doivent mettre en œuvre les 5 activités langagières (…) Tous les éléments de culture, de la phonologie ou de la grammaire doivent être tissés autour de ces activités langagières dont ils ne doivent pas être dissociés pour que les élèves soient naturellement plongés dans la langue étudiée ».
• Par ailleurs, on trouve une « programmation de langue et culture futunienne » déclinant au cycle 3 des contenus en histoire, géographie, éducation civique, sciences et technologie, éducation musicale, histoire et pratique des arts. Il semble donc que l’enseignement dispensé soit un enseignement de la langue et dans la langue de certains pans du programme.
• Enfin, au lycée, le programme s’inscrit dans le programme d’enseignement de langues vivantes du cycle terminal pour les séries générales et technologiques publié au Bulletin officiel spécial n°9 du 30 septembre 2010 (avec quatre notions prévues).

Ressources linguistiques

• Dictionnaire pratique Français – Wallisien, (juin 2017 - avec étymologie des mots wallisiens d’origine anglaise, française et latine)
https://www.ac-wf.wf/Dictionnaire-PRATIQUE-Francais-727.html
• Grammaire comparée du wallisien et du français (août 2013)
https://www.ac-wf.wf/GRAMMAIRE-COMPAREE-DU-WALLISIEN-ET.html
• Grammaire du futunien, collection université, coédité par le CDP de Nouvelle-Calédonie et le Service des Affaires Culturelles de Futuna (1997)

Ressources pédagogiques et didactiques

• Stage de septembre 2013 sur les langues vernaculaires https://www.ac-wf.wf/Stage-sur-les-langues.html
• Langue vernaculaire wallisienne (juin 2013)
https://www.ac-wf.wf/LANGUE-VERNACULAIRE-WALLISIENNE.html
• Chants, contes et légendes de Wallis et Futuna (avril 2015)
https://www.ac-wf.wf/FLORILEGE.html
• L’art dans la culture wallisienne
https://www.ac-wf.wf/L-art-dans-la-culture-wallisienne.html

Ressources bibliographiques

• Rapport de mission à Wallis et Futuna des deux inspections générales (IGAENR et IGEN), janvier 2003, avec un chapitre entier consacré à cette problématique : http://media.education.gouv.fr/file/69/0/6690.pdf (p. 17-28, 45-47 et 50-53 : recommandations).
• Colloque du 29 septembre 2014 https://www.ac-wf.wf/Colloque-du-29-septembre-2014.html
• Présentation des langues wallisienne et futunienne, par Claire Moyse-Faurie, directrice de recherche au CNRS, Professeur à l’université du Pacifique (mai 2004) :
http://serieslitteraires.org/site/Presentation-des-langues-wallisienne-et-futunienne
• Les langues à Wallis et Futuna (site personnel, à utiliser avec discernement) : http://www.axl.cefan.ulaval.ca/pacifique/wallis-futuna.htm

1 Elle a notamment pour missions de fixer les règles d’usage du wallisien et du futunien puis de mettre au point les outils didactiques nécessaires à l’apprentissage des deux langues.
2 Terme, présent dans plusieurs langues du Pacifique, désignant généralement toute personne à la peau blanche.
3 Protocole basé sur la participation de deux maîtres : en petite section, l’enseignement est dispensé uniquement en langue vernaculaire pendant 90% du temps et en français pour les 10% restants. En moyenne section, la répartition est de 50%/50%. En grande section, 90% de l’enseignement est réalisé en français et les 10% restants en langue vernaculaire.
4 Direction de l’enseignement catholique, en charge de l’enseignement du premier degré dans ces iles.
5 Les langues du monde, à l’exception d’idiomes isolés, sont regroupées en grandes familles linguistiques partageant des points communs phonétiques, morphologiques et lexicaux qui permettent d’établir leur parenté entre elles. Ainsi le français et les langues romanes font partie de la vaste famille des langues indo-européennes parlées en Europe et dans une partie du continent asiatique (Iran, Afghanistan, sous-continent indien, frontière occidentale chinoise). Dans ce cadre, le latin, par exemple, entretient, malgré l’apparent éloignement géographique, des rapports très étroits avec le sanskrit (Inde) et l’avestique (Iran). Parmi les autres grandes familles linguistiques, l’on peut également citer les langues sémitiques (arabe, hébreu, berbère, etc.) et les langues austronésiennes (océan Indien et océan Pacifique).
6 Intervention de Claire Moyse-Faurie : « Caractéristiques du futunien et du wallisien dans l’espace océanien » (Colloque Wallis et Futuna –30 septembre 2014).

Mise à jour : 22 juillet 2019